Questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle : regroupement familial avec des Belges sédentaires

Les Chambres réunies du Conseil examinent la condition des moyens de subsistance de l'article 40ter, §2, deuxième alinéa, 1° de loi du 15 décembre 1980 et l'analyse des besoins exigée par l'article 42, §1, deuxième alinéa de la loi sur les étrangers dans des cas spécifiques où le demandeur étranger démontre également ses propres moyens de subsistance.

Le Conseil compare la situation des membres de la famille des Belges sédentaires (article 40ter de la loi du 15 décembre 1980) avec la situation des membres de la famille des citoyens de l'Union ayant exercé leur droit à la libre circulation (article 40bis de la loi sur les étrangers), et avec la situation des ressortissants de pays tiers sollicitant le regroupement familial (article 10, §1er, premier alinéa, 4° à 7° de la loi du 15 décembre 1980). Il est fait référence ici à la volonté du législateur belge de placer les Belges sédentaires sur un pied d'égalité avec les étrangers de pays tiers en ce qui concerne le regroupement familial. Le Conseil constate que seul le regroupement familial avec des Belges sédentaires peut être refusé en raison de l'absence de moyens de subsistance suffisants, uniquement sur la base de l'origine de ces moyens de subsistance et sans devoir tenir compte des circonstances concrètes de l'affaire, alors que ce n'est pas le cas pour les autres catégories de regroupement familial, même dans le cas du regroupement familial avec un ressortissant de pays tiers qui présente de nombreuses similitudes avec la situation des parents de Belges sédentaires.

La jurisprudence de la Cour de justice en matière de regroupement familial avec des ressortissants de pays tiers montre que l'origine des moyens de subsistance exigés n'est pas un critère déterminant. Dans un arrêt précédent, la Cour constitutionnelle avait déjà rappelé qu'une interprétation stricte de l'article 40ter, §2, deuxième alinéa, 1° de la loi du 15 décembre 1980, qui ne prend en compte que les revenus du Belge sédentaire, est tempérée par l'obligation légale de procéder à une analyse des besoins telle que prévue à l'article 42, §1er, deuxième alinéa de la loi du 15 décembre 1980. La jurisprudence du Conseil d'Etat précise toutefois que cette analyse des besoins ne peut viser à prendre en compte des moyens de subsistance qui ne sont pas éligibles sur la base de l'article 40ter, §2, alinéa 2, 1° de la loi du 15 décembre 1980, tels que les revenus de l'étranger demandeur.

En raison du manque de clarté prévalant en la matière, le Conseil estime nécessaire de soumettre à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles suivantes concernant les articles 40ter, §2, deuxième alinéa, 1° et 42, §1er, deuxième alinéa de la loi du 15 décembre 1980:

«L’article 40ter, §2, alinéa 2, 1°, de la loi du 15 décembre 1980 dans sa version antérieure à la loi modificative du 10 mars 2024, et l’article 42, §1er, alinéa 2 de la même loi, tel que remplacé par la loi du 8 juillet 2011 et modifié par la loi du 4 mai 2016, violent-ils, ensemble ou isolément, les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans l’interprétation selon laquelle, L’article 40ter, §2, alinéa 2, 1°, de la loi du 15 décembre 1980 dans sa version antérieure à la loi modificative du 10 mars 2024, et l’article 42, §1er, alinéa 2 de la même loi, tel que remplacé par la loi du 8 juillet 2011 et modifié par la loi du 4 mai 2016, violent-ils, ensemble ou isolément, les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, seuls peuvent être pris en considération les moyens de subsistance propres à la personne regroupante ou, en d’autres termes, générés par celle-ci, alors que, s’agissant des regroupements familiaux avec des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne régis par les articles 10 et 10bis, de la loi du 15 décembre 1980, qui transposent la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial, la provenance des moyens de subsistance exigés n’est pas décisive selon l’interprétation donnée par la CJUE à l’article 7, §1er, sous c) de ladite directive. » (CCE, 17 décembre 2024, n° 318724 CR; n° de rôle C. const. : 8398 (FR)).

«L’article 40ter, §2, alinéa 2, 1°, de la loi du 15 décembre 1980 dans sa version antérieure à la loi modificative du 10 mars 2024, et l’article 42, §1er, alinéa 2 de la même loi, tel que remplacé par la loi du 8 juillet 2011 et modifié par la loi du 4 mai 2016, violent-ils, ensemble ou isolément, les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, dans l’interprétation selon laquelle, L’article 40ter, §2, alinéa 2, 1°, de la loi du 15 décembre 1980 dans sa version antérieure à la loi modificative du 10 mars 2024, et l’article 42, §1er, alinéa 2 de la même loi, tel que remplacé par la loi du 8 juillet 2011 et modifié par la loi du 4 mai 2016, violent-ils, lus ensemble les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, seuls peuvent être pris en considération les moyens de subsistance propres à la personne regroupante ou, en d’autres termes, générés par celle-ci, alors que, s’agissant des regroupements familiaux avec des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne régis par les articles 10 et 10bis, de la loi du 15 décembre 1980, qui transposent la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial, la provenance des moyens de subsistance exigés n’est pas décisive selon l’interprétation donnée par la CJUE à l’article 7, §1er, sous c) de ladite directive.» (traduction libre) (CCE, 17 décembre 2024, n° 318 729 CR; n° de rôle C. const. : 8397 (NL)).

07/01/2025